Choc culturel au Japon

C’était la plus courte étape de notre voyage, à peine 5 jours entre les plages du Yucatan et notre installation à Singapour. Et pourtant nous sommes certains d’avoir vécu au Japon le plus grand choc culturel du voyage ! 

Tokyo, plus grande ville du monde avec ses 40 millions d’habitants, dont on ne voit pas le bout du haut de la tour de la mairie à Shinjuku, et la société Japonaise en général, nous ont semblé d’un caractère si profond, si complexe, si éloigné de nos sociétés occidentales, que nous osons à peine écrire cet article pour ne pas donner l’impression de vouloir énoncer des vérités sur ce pays dont nous avons seulement effleuré la coquille. Nous nous contenterons donc d’un rapport d’étonnement, sans autre jugement que celui d’avoir été fasciné par ce que nous avons vu, parents comme enfants.

 Ce qui nous frappe, c’est d’abord ce silence, le calme généralisé, qui règne dans les lieux publics comme le métro, les rues, les magasins, les restaurants. C’est ce fast-food de ramen, quasiment plein quand nous entrons, et où nous n’entendons absolument aucun bruit à part une douce musique zen. Inutile de préciser que nous ne sommes passés inaperçus nulle part avec nos 3 garçons, qui semblent prendre nos injonctions au silence comme un encouragement à hurler plus fort… Le paradoxe entre ce souci permanent de la discrétion, cette attention aux autres et cette volonté de ne pas gêner, ressentis chez les japonais, et le sans-gêne de nos bulldozers, toujours prêts à se rouler par terre en criant, nous rendait souvent honteux dans les lieux publics, même si personne ne nous faisait de reproches. L’exiguïté de l’espace nous a semblé généralisée. Nous avions l’impression de loger dans une cave dans notre minuscule AirBnb, dans lequel il suffisait de lever les bras pour toucher le plafond, avant que notre guide nous assure que l’appartement était assez grand pour Tokyo et magnifiquement placé à Shinjuku. Ce manque d’espace se ressent dans la taille des voitures, des magasins, des restaurants, des rues. Si bien que nous avons eu l’impression que la maîtrise et la discrétion permanente des japonais tenait peut-être aussi à cette nécessaire coexistence de masse dans un espace aussi réduit et bondé.

Dans cette mégapole surpeuplée, nous nous attendions à ce que les balades dans les rues soient un calvaire. Erreur. Tokyo est tellement dense qu’il y a en fait très peu de voitures, pas de bouchons, pas non plus de pollution, ce qui fait que beaucoup de rues proches des artères principales sont calmes comme des villes de province endormies en France.

Tokyo était la seule étape pour laquelle nous avions envisagé de prendre un guide, et il nous a semblé que nous n’aurions pas pu nous en passer. Astrid, française installée à Tokyo depuis 10 ans, nous a pris en main, et nous a permis de nous repérer dans cette ville où la plupart des affichages sont en caractère chinois. Nous avons pu l’assaillir de questions, et les enfants n’étaient pas en reste, donnant l’impression de ressentir ce décalage culturel et de vraiment s’y intéresser. « Pourquoi les japonais portent-ils des masques dans la rue ? ». « Pourquoi ne trouve-t-on aucune poubelle dans les lieux publics ? ». « Pourquoi ne voit-on pas de vieux bâtiments à Tokyo ? ». « Quelle est la place de la femme dans la société japonaise ? » « Pourquoi les japonais ne font pas de bruit ? » « Pourquoi avons-nous l’impression qu’ils disent qu’ils savent quand ils ne savent pas ? » « Pourquoi y a-t-il aussi peu de voitures ? » « Aussi peu d’enfants dans les rues ? ». « Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? » Autant de questions incessantes posées par les petits comme les grands. Elle tentera de répondre à ce feu nourri de son mieux, tout en nous aidant à canaliser les garçons, le summum étant atteint lors de la visite d’un ancien palais en bois à Shibuya, dans lequel il ne fallait surtout pas toucher les murs (avec des fenêtres en papier !) : pendant que nous écoutions religieusement l’énoncé des règles, nous découvrions avec effroi les enfants se précipiter à 4 pattes dans le salon de thé pour lancer une grande bataille de cavalerie…

Le tournoi de sumo restera un grand moment, qui inspire aujourd’hui les jeux au bord de la piscine à Singapour, tout comme le cours de sushi, ou l’atelier d’Ikebana, art floral ancestral, pour Aude et Candice.

Ces rues d’une propreté irréprochables, ce métro dans lequel on pourrait manger par terre, nous inspirerons des comparaisons peu flatteuses pour Paris, alors même qu’on ne voit absolument aucune poubelle à Tokyo.

Dernière image illustrant le fossé culturel qui nous sépare : arrivés devant un centre commercial vers 9h30, le doorman nous explique avec le sourire que l’ouverture n’est prévue qu’à 10h, et nous prie d’attendre avec les quelques personnes arrivées en avance comme nous. A l’intérieur, devant les rayons parfumerie et textile, 30 minutes avant l’ouverture, des dizaines de vendeurs (et vendeuses !) sont déjà à leur poste, quasiment au garde-à-vous, fin prêts pour l’accueil des premiers honorables clients. Fascinant !

4 commentaires sur « Choc culturel au Japon »

  1. Aude ,tu écris vraiment merveilleusement, si les chiffres t’ennuient au retour , voilà une reconversion plausible … ou ébéniste. . ou fleuriste….,non..c’était de l’humour pour les 2 derniers! Mille pensées.

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  2. Alors Victor, puisque tu es l’écrivain, je te félicite; voilà un métier pour toi , mais qui évidemment ne relève pas de l’univers entreprenarial. Bises à vous tous.

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  3. Laissez-moi moi compléter …. c’est avec un très grand plaisir que je suis vos aventures, je me délecte par avance d’avoir un épisode supplémentaire le matin à lire au petit déjeuner !!! Les articles sont non seulement intéressants, avec un côté très frais, sans jugement, et appellent à des questionnements, une réflexion. C’est très agréable à lire, on en redemande, on aime vos découvertes et vos expériences!

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  4. Ayant passé 6 semaines à Tokyo et ses alentours en 2019, je comprends tout à fait votre choc culturel. Il est déjà difficile de comprendre la société japonaise, aux antipodes de la nôtre en vivant au Japon, alors en y passent seulement quelques jours c’est impossible.

    4 ans que je m’intéresse au Japon, si point d’en avoir même appris les rudiments de la langue, si belle à mes oreilles.

    Ikebana, cérémonie de thé, bonsaï, et tant d’autres sont fascinants.

    Devenir maître dans ces disciplines prend des années voire des décennies pour les japonais.

    A ce titre, je vous suggère le film Dans un jardin qu’on dirait éternel, avec l’époustouflante Kirin Kiki, sur la cérémonie de thé.

    Il existe des visas japonais spécifiques pour apprendre ces arts du quotidien.

    Pourquoi ne pas proposer aux étrangers ce même type de formation en France ?

    Je trouve votre idée de mettre les métiers artisanaux pouvant devenir un passe temps au quotidien excellente !

    Avez vous avancé dans ce projet ? Vitres êtes vous rapprochés des chambres des métiers pour concrétiser ces projets ?

    Cela m’intéresse beaucoup, étant à la recherche d’une idée de ce style à mettre en place chez moi !

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